Un petit voyage en dehors de l’Aragon 
 Le LÉON….. Mon truc en plumes...
 
 Je viens de rentrer en Cantabrie. Je profite de la dernière semaine de vacances chez Carmen et j’ai
 
 (enfin) un peu de temps pour écrire, ce qui je l’avoue me manque un peu pendant toute la saison de
 
 pêche !
 
 Alors voilà. Nous sommes allés nous promener dans la province voisine, dans le Léon, et plus
 
 précisément dans la belle ville de Léon. Cette ville est une pure merveille architecturale, et pour les
 
 non pêcheurs c’est vraiment un endroit qui mérite le déplacement.
 
 Sutout la cathédrale!
 
 Mais pour les pêcheurs et surtout les pêcheurs à la mouche, le Léon est beaucoup plus célèbre pour
 
 ses rivières que pour ses cathédrales. La littérature halieutique, les récits de pêcheurs plus ou moins
 
 célèbres et de nos jours les réseaux sociaux sont une source d’inspiration pour les pêcheurs
 
 voyageurs que nous sommes.
 
 Je vous avoue que je n’avais pas vraiment accroché lors de deux séjours effectués il est vrai dans
 
 des conditions peu favorables, mais c’était il y a bien longtemps déjà dans les années 1995 1998.
 
 À la retraite j’ai choisi le Haut Aragon pour poser mes valises, d’une part parce que, par goût je
 
 préfère les Pyrénées, et aussi parce que je connaissais bien mieux les rivières au nord de Huesca.
 
 Aussi le petit séjour que je viens de faire dans le Léon, n’avait pas pour objectif de pêcher, la
 
 fermeture était déjà passée, mais plus pour explorer et chercher des informations sur un des trésors
 
 de cette région, les coqs de pêche du Léon. Je n’ai pas été déçu!
 
 Un peu d’histoire….. 
 
 « L'origine des coqs de pêche du León se perd dans la nuit des temps; les premiers témoignages de
 
 leur existence se trouvent dans le Manuscrit d'Astorga, de 1624. L'auteur y fait référence aux types
 
 de plumes utilisées pour la confection des mouches qu'il décrit...» Extrait du livre «Mouches pour la
 
 pêche»de Rafael del Pozo
 
 Les passionnés ne sont pas sans savoir qu’un des premiers livres ayant pour but de dévoiler les
 
 secrets de la pêche à la mouche, publié, en 1624, par Juan de Bergara est le fameux manuscrit
 
 d’Astorga, (re)découvert, par Louis Carrère en 1935, chez un armurier de Léon qui lui même
 
 l’aurait reçu d’un sculpteur espagnol Julio del Campo résident à Léon . Je rappelle pour les plus
 
 jeunes que Louis Carrère, diplomate français, vivant à l’époque en Espagne est l’auteur d’un livre
 
 «Mouche noyée», publié pour la première fois en 1936, puis réédité en 1957.
 
 C’est dans cette édition qu’il a reproduit quelques pages de ce manuscrit, en précisant que,
 
 chronologiquement, c’est certainement le premier traité de montage des mouches artificielles au
 
 monde,si l’on excepte les 23 pages, décrivant une douzaine de mouches noyées, ajoutées au «Livre
 
 de Saint Alban» traité de chasse et de fauconnerie de Dame Juliana Berners, publié en Angleterre
 
 en 1496.
 
 Nous avons la chance d’avoir à notre disposition une réédition de ce manuscrit, qui décrit avec une
 
 minutie digne d’éloges, le montage de mouches artificielles, destinées à la pêche de la truite au fil
 
 des mois et des saisons.
 
 Mais en dehors de l’intérêt historique, ce manuscrit, qui date quand même de quatre siècles,nous
 
 apprend que déjà, à cette époque ,il y avait des pêcheurs passionnés, et qu’il y avait des coqs de
 
 pêche élevés par d’autres hommes tout aussi passionnés. Et nous découvrons avec stupeur que déjà
 
 il existait plusieurs races de coqs et que chacune de ces races comportaient plusieurs familles
 
 différentes, qui produisaient des plumes de couleurs et de formes variables.
 
 Toujours par intérêt historique, j’ai appris que Juan de Bergara, lui même n’était pas pêcheur, mais
 
 plus vraisemblablement un moine copiste ou écrivain public, qui à la demande des auteurs
 
 anonymes aurait rédigé ou recopié ce manuscrit. Toujours pour mémoire en 1624 les techniques
 
 d’imprimerie n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui et je suppose que ce petit bouquin n’a
 
 probablement pas été édité à des centaines d’exemplaires puisque à ma connaissance l’original
 
 aurait été détruit en 1978 lors de l’incendie de la bibliothèque du Général Franco qui l’aurait reçu en
 
 cadeau...du gouverneur de la province de Léon. Le Caudillo grand pêcheur devant l’Éternel,a du
 
 recevoir avec plaisir ce cadeau, lui qui ne pêchait la truite qu’au buldo et à la cuillère, et le saumon
 
 des Asturies à la crevette...Un autre dictateur Tito en Yougoslavie s’était réservé pour son usage
 
 personnel une merveille slovène la Radovna. Il faudra un jour que j’écrive un post sur les célébrités
 
 qui ont pêché et qui pêchent encore à la mouche.
 
 Mais il est temps de revenir à notre époque, et essayer de comprendre ce qui fait que même des
 
 pêcheurs australiens qui sont venus pêcher dans le Rio Ara cet été connaissaient les coqs du Léon!
 
 Premier point : Le biotope.
 
 On peut parler du Triangle d’Or du coq de pêche qui se situe entre trois vallées du nord de Léon la
 
 vallée du Curueño, du Haut Esla et du Rio Porma. Le centre névralgique de la production de ces
 
 coqs de pêche est la petite ville de la Vecilla del Curueño.
 
 Située à l'entrée de la haute vallée de la rivière Curueño, cette ville est la capitale et le point de
 
 départ de tout un circuit halieutique vers l'intérieur de la région. Elle compte une population de 384
 
 habitants.Les environs de cette rivière recèlent de nombreuses légendes qui ont suscité une
 
 multitude d’oeuvres des poètes et des chroniqueurs de différentes époques. Entre la petite ville de
 
 Boñar et La Vecilla, et les communes de Valdepielago, La Cándana, Campohermoso, Aviados et
 
 Ranedo, plusieurs élevages perpétuent la tradition et continuent à produire des coqs de pêche. Et
 
 c’est uniquement dans cette zone que les plumes de ces volatiles agressifs et capricieux, produisent
 
 des plumes dont les couleurs, la brillance et la rigidité, permettent la fabrication de mouches
 
 artificielles de qualité exceptionnelle. Le même coq transporté dans une autre région de France ou
 
 d’Espagne va très rapidement perdre toutes ces qualités. J’ai trouvé toutes sortes d’explications à ce
 
 phénomène, qui vont de la nourriture spéciale à la radioactivité du sol en passant par le degré
 
 hygrométrique de l’air. En comparaison les coqs de pêche du Limousin obéissent à peu près aux
 
 même phénomènes.
 
 Il y a même un musée du coq de pêche ! Et comme à Neuvic en Corrèze il y a une foire aux coqs
 
 de pêche qui a lieu le deuxième dimanche de mars. On peut assister à cette ccasion à la plumée d’un
 
 ou plusieurs coqs et comme à Neuvic il y a un concours avec un jury et des prix.. !
 
 Deuxième point    La race
 
 Toujours est il que ces coqs ,élevés depuis des siècles uniquement dans le but de produire des
 
 plumes, sont maintenant bien ancrés dans le paysage culturel et traditionnel. Les races sont fixées et
 
 la production certes toujours artisanale est d’une qualité constante. On rencontre deux races. Les
 
 coqs Indio et les coqs Pardo. Les deux races sont incluses dans le Catalogue Officiel du Ministère
 
 de l’Agriculture et de l’Environnement des races animales espagnoles autochtones et sont
 
 répertoriées comme des espèces en voie de disparition.
 
 Les coqs Indio
 
 On pense qu'ils tirent leurs origines du coq rouge primitif de la jungle et qu'ils sont apparentés à la
 
 poule andalouse bleue, avec laquelle ils partagent plusieurs gènes.C'est la première race
 
 caractéristique du León. Contrairement à la race Pardo dont on ignore les origines. Leus plumes ont
 
 des couleurs unies et sont dotées d'un éclat exceptionnel.
 
 Les plumes d'Indio sont caractérisées par plusieurs critères. Les couleurs sont unies et les teintes
 
 principales sont le Negrisco qui est un gris très foncé presque noir, le Palometa d'un blanc nacré, le
 
 Rubión rouge marron et Acerado qui est un gris acier
 
 Les coqs Pardo
 
 Ces coqs là représentent, en quelque sorte, le symbole du León. Leurs plumes ont des couleurs
 
 extraordinaires et sont dotées d'un éclat sans pareil.
 
 Les plumes de Pardo sont caractérisées par plusieurs critères. Les taches qui recouvrent les fibres
 
 sont définies sous le nom de Sarrioso avec des pigments sombres très fins, Aconchado qui possède
 
 des points irréguliers et arrondis, Corzuno qui possède une pigmentation semblable à celle des poils
 
 de chevreuils et Langareto où les points sont réguliers et organisés en bandes transversales. C'est ce
 
 dernier type qui est, en quelque sorte, la Rolls Royce des plumes des coqs de León. Les couleurs
 
 sont très variées avec des teintes principales comme le Rubión qui est un marron fauve, l'Oscuro
 
 d'un sombre profond et le célébrissime Flor de Escoba dont les fibres possèdent des teintes tabac.
 
 Et quelles sont les plumes les plus utilisées?
 
 En fait trois sortes de plumes sont utilisées les plumes du dos les pelles et les plumes du cou.
 
 La pluma de riñonada (plume de dos)
 
 C'est la plume la plus appréciée et la plus difficile à obtenir. Ce sont des plumes qui ont un équilibre
 
 parfait entre rigidité et flexibilité et elles ont une brillance exceptionnelle. Idéale pour la réalisation
 
 des cerques. Si vous montez des imitations de mouches noyées de type espagnol, la rigidité et la
 
 brillance de ces fibres donneront à votre mouche un éclat et provoqueront des vibrations en phase
 
 immergée sans équivalent.
 
 La colgerada (pelle)
 
 C'est une grande plume qui est de seconde classe par rapport à la précédente. Elle est moins
 
 brillante et plus molle, mais ses fibres sont assez longues et elles peuvent être parfaites pour les dos
 
 de sedges. Une colgerada d'excellente qualité sera toujours meilleure qu'une mauvaise plume de
 
 dos.
 
 La pluma del cuello (plume de cou) - Indio uniquement
 
 C'est la plume que nous appelons généralement hackle. Uniquement produite sur les coqs Indio,
 
 c'est un objet rare. Les plus belles plumes de cous d'Espagne sont généralement grises, les coqs du
 
 Limousin produisent ce type de fibres en France. C'est une plume plus courte que les plumes
 
 américaines, mais sa brillance et la solidité de son rachis en font des plumes très appréciées pour
 
 ceux qui ont la chance de s'en procurer.
 
 Petite précision utile pour ceux qui souhaitent investir dans ce genre de plumes. Il est possible
 
 actuellement de trouver sur le marché des capes de cous de coqs « pardo » qui sont à peu près
 
 équivalentes aux productions classiques américaines (Metz Hoffmann), mais qui ne sont pas issues
 
 de la région dont nous parlons .
 
 Pendant ce court séjour en Léon, je n’ai pas pu trouver des plumes de cou ni indio ni pardo….!
 
 
 
 
 
  Et maintenant voyons un peu ce que nous pouvons faire avec ces plumes, car quand même,
n’oublions pas que le but final est de monter des mouches et de prendre quelques truites…
Les mouches espagnoles
Avant tout il faut revenir à l’histoire de la pêche à la mouche. A l’origine les pêcheurs à la mouche
ne pouvaient pêcher qu’en mouche noyée le matériel de l’époque ne permettait pas de pêcher en
sèche comme nous le faisons actuellement, et que par conséquent les mouches fabriquées avec ces
fameuses plumes devaient avant tout être efficaces sous l’eau. Car surtout en Limousin, comme
dans le Léon, les régions les plus pauvres de France et d’Espagne,la pêche des truites en rivières de
montagne permettait de se nourrir et obtenir des protéines de bonne qualité sans avoir à se mouiller
les pieds et les mains dans les eaux glacées. Et en plus imaginez comment monter une mouche sans
étau avec un bout de fil de couture et un brin de laine, et un hameçon dont je ne préfère pas vous
décrire les qualités….Tout ça pour vous dire que les plumes du Léon sont avant tout faites pour
monter des mouches noyées de type espagnol, simples solides et dont la seule beauté résidait dans
les fibres des plumes de ces merveilleux coqs.
La mouche que je vous ai mise en photo est issue de la collection Moscas de Léon
Vendue sur le site Mouches de Léon
www.moscasdeleon.com
Regardez bien le corps est de couleur bien différente de la tête et les cerques sont très légers.
Quelles sont les qualités fondamentales de ce type de mouche ?
Ce sont la couleur du corps qui est très légèrement cerclé. La tête qui est bien marquée formant deux signaux positifs pour décider la truite à prendre cette mouche. Mais surtout ce sont les fibres de la plume utilisée qui vont jouer le rôle fondamental Souplesse et rigidité qui permettent à la mouche de vibrer dans les courants et, ce qui ne se voit pas sur la photo, à capter les ondes lumineuses et les refléter, le pointillé étant la cerise sur le gâteau pour accentuer la ressemblance avec les pattes d’une mouche naturelle.
Je vous donne une autre photographie d’une plume pour essayer de vous faire comprendre dette
luminosité extraordinaire.
Une autre mouche peut être montée avec ces plumes c’est le sedge dit Sedge Pardo où sont utilisées
des fibres de coq du Léon pour imiter les ailes des sedges
Voilà c’est fini ! En fait ce n’est jamais fini, la pêche à la mouche est tellement merveilleuse que
vous pouvez maintenant commencer à réfléchir un peu pour essayer de comprendre pourquoi il y a
400 ans ...des hommes ont eu besoin de partager leurs savoirs de pêcheurs de truites…. prises grâce
à des mouches montées….. avec de fibres des plumes….. des coqs de leur basse cour.
Et tout ça devant une des plus belles cathédrales du monde….